Nous voilà sur les routes languedociennes depuis plus d’une semaine, l’aventure Raid Wine a commencé pour de bon avec déjà plus d’une dizaine de rencontres au compteur. Les kilomètres s'enchaînent et l’omniprésence des paysages viticoles nous laisse constater de l’importance du vignoble Languedocien, premier producteur de vins rouges, blancs et rosés en France. La diversité des appellations et des vins qui y sont produits dans un climat méditerranéen exigeant nous offre un vaste terrain de jeu.
Nous avons choisi l’appellation Faugères comme première étape de notre expédition. Située à 20 kilomètres au Nord de Béziers, l’appellation s’étale sur 1 862 hectares, elle totalise une production de 53 000 hl et regroupe des conditions topographiques et climatiques qui varient entre les parcelles de la plaine biterroise et certaines parcelles situées à 400 mètres d’altitude. L’engagement et la sensibilité environnementale des vignerons de cette appellation ont retenu notre attention.
Le cahier des charges de l’appellation a intégré des mesures agro-environnementales depuis 2011 comme l’interdiction du désherbage en plein, la limitation des apports en azote minéral ou encore l’enherbement obligatoire des tournières . Nous avons été reçus au Domaine de l’Ancienne Mercerie par François et Nathalie Caumette, deux vignerons engagés en agriculture biologique. Nathalie est également présidente du syndicat des vignerons de Faugères, elle est convaincue que le système d’appellation peut être utile à la mise en place collective de solutions d’adaptation. Ainsi, en mettant en commun l’expérience de chacun, les vignerons d’une même appellation peuvent développer des stratégies collectives qui auront un impact plus important à l’échelle locale par rapport à des initiatives individuelles.
Dans cette logique du “travaillons ensemble”, nous avons rencontré les “Enherbeurs”, un groupement de vignerons qui pratiquent l’enherbement entre les rangs de vigne de leurs parcelles. Les paysages viticoles classiques nous ont habitué à des inter-rangs désherbés, laissant le sol à la merci de l’érosion et de la sécheresse.
Didier Barral, vigneron à Cabrerolles, affirme “la plus mauvaise érosion, c’est l’érosion solaire, elle brûle et elle cuit la terre. Donc il faut qu’il y ait toujours une protection sur le sol.”
L’enherbement s’inscrit ainsi dans une volonté de structurer les sols, améliorer leur perméabilité (éviter le ruissellement de l’eau de pluie) et surtout de leur redonner vie en apportant de la matière organique. Frédéric Albaret, à la tête du domaine Saint-Antonin et du groupement des “Enherbeurs”, est convaincu des bénéfices de l’enherbement pour le sol : “avec l’enherbement, on obtient des sols riches en humus qui retiennent l’eau. [...] Le pire, c’est les sols qui se compactent, qui ne retiennent rien et qui font barrière à l’enracinement. L’enherbement, c’est donc des sols vivants, qui ne sont pas compactés et qui favorisent l’enracinement de la vigne”. Si les racines de la vigne parviennent à descendre en profondeur, elles y trouveront plus d’humidité et de fraîcheur qu’en surface.
Dans le contexte actuel où l’augmentation de la variabilité des conditions climatiques rend le développement de la vigne de plus en plus complexe, l’enherbement apparaît donc comme une stratégie d’adaptation durable. C’est ce qui a poussé Cédric Guy (Domaine de Bon Augure), vigneron de l’IGP Haute Vallée de l’Orb, à enherber la totalité de ses parcelles.
Il sème en grande majorité des graminées, puis des légumineuses comme le trèfle. Les graminées vont jouer le rôle de paillage pour apporter de la matière organique ligneuse au sol. Lorsqu’elles atteignent une trentaine de centimètres de hauteur, elles vont être tondues puis broyées pour former une paille qui va s'incorporer au sol au fil du temps (sans travail du sol). Les légumineuses, semées dans le rang d’à côté, vont être couchées une fois fleuries afin d’apporter de l’azote au sol, permettant ainsi au vigneron de se passer d’engrais azoté minéral.
En voyant les rangs de vigne totalement enherbés, la question de la compétition entre les variétés semées et la vigne nous vient rapidement à l’esprit. Le choix des variétés utilisées, les dates de semis et l’entretien de l’enherbement vont être des facteurs importants à contrôler. Robert Eden du Château Maris dans le Minervois préconise un semis après vendange, le couvert commence à pousser début printemps, et pour finir l'enherbement est couché puis enfoui au début de l'été.
Alain Malard produit du vin en permaculture, ses parcelles sont entourées d’arbres et de haies et nous avons été frappés par la diversité et la densité de son enherbement. On retrouve pas moins de 41 espèces végétales entre ses vignes, de l’avoine aux chardons en passant par la vesce.
“On copie la nature, c’est tout ce qu’on fait ici [au Clos Sainte Pauline]. La première étape c’est d’observer et de déterminer les syntaxons élémentaires [à préserver] et les plantes pionnières [à éliminer] qui peuvent entrer en concurrence avec la vigne” affirme-t-il devant notre objectif.
L’enherbement implique ainsi un travail d’observation et une connaissance approfondie de son environnement ; du temps passé dans les parcelles à comprendre en quoi maintenir la biodiversité autour de la vigne n’est pas synonyme de compétition et de perte de rendement mais bien de conservation des sols et d’amélioration de la résistance des plants face à l’exigence des conditions climatiques méditerranéennes.
Dans les prochaines semaines, nous parlerons de nouveaux cépages et des stratégies durables de gestion de l’eau, des solutions déjà adoptées par des vignerons engagés.
A très vite !
Tanguy, Timothée et Violette
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