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La viticulture chilienne en péril face à l’invasive industrie du bois

Après avoir sillonné la route 40 qui traverse les étendues désertiques de l’Argentine, l'équipe Raidwine ne s’attendait pas au spectacle qui l’attendait de l’autre côté de la Cordillère des Andes, au sud du Chili : une vaste mer de pins et d'eucalyptus s’y étend à perte de vue.



Viña Trapi del Bueno, Vallée d'Osorno, Chili

Les régions viticoles les plus australes, à cheval sur les vallées de Malleco et Osorno, ne pouvaient envisager, il y a quelques décennies, la culture de la vigne en raison du climat hostile qui y régnait. Désormais, les projets viticoles s'y multiplient, bénéficiant du dérèglement climatique de la zone et dévoilant ainsi un terroir prometteur. Aux côtés de Luis, viticulteur à Viña Trapi del Bueno, nous apprenons avec stupeur que la plus grande menace actuelle pour les vignobles, outre le dérèglement climatique, est l’industrie du bois. Les plantations de pins et eucalyptus qui façonnent le paysage des régions tempérées chiliennes à défaut des forêts natives décimées, représentent aujourd’hui 14% de la surface boisée du pays.


En effet, les élevages massifs de pins et eucalyptus ont permis au Chili de devenir un important exportateur de papier et produits en bois vers les marchés étrangers. Cette activité fut promue dans les années 1970, sous le gouvernement de Pinochet, afin de faire de la foresterie une des premières sources de richesses du pays. C’est ainsi que le gouvernement de l’époque favorisa notamment la construction de nombreuses infrastructures, défiscalisant de nombreuses entreprises pour encourager la sylviculture industrielle au détriment des populations et activités locales, telle que la viticulture.


Quels sont donc les méfaits de ces plantations sur la viticulture ?


Une des menaces évidentes que représente l’industrie forestière est bien évidemment la surconsommation en eau, dans un pays où les précipitations se font de plus en plus rares. Un eucalyptus consomme 5 fois plus qu’un plant de vigne, soit environ 40 L d’eau par jour.


Ainsi, ces essences d'arbres pompent l’eau présente dans les nappes phréatiques, provoquant leur assèchement, augmentant le stress hydrique pour les pieds de vigne voisins, qui malgré leur fort pouvoir radiculaire, finissent par être en carence.


Le réservoir d'eau et les rangées d'eucalyptus bordant le Clos des Fous (Vallée de Malleco, Chili)

Une deuxième menace qui s’est illustrée dramatiquement ces dix dernières années est le risque d’incendie. Plus le sol est sec plus cela favorise l’expansion des incendies, or d’où provient l’assèchement du sol… ? Oui il s’agit bien d’un triste cercle vicieux. Au delà des dégâts liés aux forêts brulées, pouvant s’étendre aux vignes, cela engendrait une perturbation de l’écosystème : les animaux fuyant l’incendie trouvent souvent refuge dans les vignes protégées, causant alors d'importants dégâts.


Enfin, les arômes du raisin sont directement impactés par les plantations d’eucalyptus voisines, qui apportent un goût mentholé aux baies.


Quel avenir pour la vigne face à ce conflit d’usage ?


Le conflit lié à l’eau au Chili est certainement l'enjeu majeur auquel sont confrontés les viticulteurs chiliens. Afin de contrer la menace de l’industrie forestière et préserver leurs ressources hydriques, certains domaines tels que Domaine Baron Philippe de Rothschild ont acquis des hectares au sud, consacrant une partie à la vigne et l’autre à la plantation d’arbres natifs.

Suite à l'incendie dévastateur de 2017, certaines vignes, telle que Santa Rita dans la région de Colchagua, ont construit des « corridors coupe-feu », séparant de 6m les arbres des plants de vigne.


L’ingénieur agronome du Clos des Fous, situé dans la vallée de Malleco, confesse : « Pour le moment les Chiliens n’ont pas pris conscience de l’essence même de leur pays, de leur terre, de leur origine. Sans connaître, ils ne peuvent donc pas réagir. Une prise de conscience s’impose quant à la réalité d’aujourd’hui : le Chili d’antan n’est plus, les forêts natives et les richesses du pays ont été supplantées par l’appât financier de l’industrie du bois ».

D’autres viticulteurs, plus optimistes ont déjà observé l’apparition d’une volonté nouvelle pour contrer l’industrie forestière. Le dérèglement climatique déplaçant petit à petit la limite viticole vers le sud du Chili, certains grands groupes viticoles découvrent le potentiel du jeune terroir du sud chilien, investissant ainsi pour planter de la vigne et déracinant certaines parcelles de pins.


Le changement climatique, en permettant le développement de la vigne sur des territoires jusque-là hostiles, pourrait ainsi peut être représenter une solution pour contrer l’industrie forestière dans ces régions ? Réalité ou utopie, cela prendra cependant de nombreuses années pour faire évoluer les mentalités, et remettre en cause cette industrie forestière qui représente une source non négligeable de la richesse du pays !


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