Ne vous y trompez pas, il ne s'agit pas du Zonda, ce vent chaud et asséchant qui descend le versant oriental de la cordillère des Andes et donne à la région de Mendoza une allure encore plus désertique. Ce renouveau est incarné par Philippe Moureau qui nous a ouvert les portes de Terrazas de Los Andes et du très exclusif Cheval des Andes. Billet sur un directeur technique bordelais à l'œuvre sur les terroirs argentins. Une journée haute en couleurs, saveurs et perspectives.
Arrivé il y a quatre ans à Mendoza, Philippe renouvelle la viticulture sur les parcelles argentines du grand groupe français Moët Hennessy. Cet oenologue de formation a plusieurs casquettes. Non seulement oenologue en chef des bodegas Terrazas de los Andes et Cheval des Andes, il est également en charge de la politique environnementale Moët Wine Estate au niveau mondial. Un révolutionnaire de son temps, entre expertise française et innovation argentine.
Le développement de la filière viticole en Argentine se fait dans un contexte de crise économique depuis les années 2000. De fait, la nécessité de produire supplante les préoccupations climatiques et les stratégies environnementales. Pourtant, un vent de rébellion souffle sur la région de Mendoza depuis que les vins argentins se sont affirmés sur le marché international et que la croissance de la filière se stabilise quelque peu. Chez Terrazas de los Andes, c'est Philippe qui est l'instigateur de ce mouvement depuis quelques années. Cette volonté de renouvellement impose au préalable de sensibiliser, former et accompagner les œnologues, ingénieurs agronomes et techniciens de la bodega à ces nouvelles pratiques. Convaincre par la preuve, transmettre par l'action.
Préoccupé par le changement climatique et la préservation de l'environnement, Philippe attache tout particulièrement de l'importance à la gestion de l'eau, indispensable à la culture de la vigne dans cette région désertique, ainsi qu'à la typicité des sols, qui reflète la richesse des terroirs.
"Malgré la proximité des Andes qui ont toujours alimenté cette région, il faut encore optimiser la gestion de l’eau. L'approvisionnement des différents acteurs du territoire est de plus en plus compliquée."
Philippe propose aujourd'hui des pratiques culturales optimisant les apports en eau et limitant considérablement l'utilisation de produits phytosanitaires dans les parcelles cultivées. L'irrigation au goutte-à-goutte figure parmi ces méthodes innovantes : la quantité d'eau apportée à chaque pied de vigne est calculée sur la base de la réserve en eau du sol, la transpiration de la plante et son stade de développement. Cela fait sens avec la philosophie de l'oenologue bordelais, qui voit dans les économies d'eau un gage de qualité :
"Pour faire des grands raisins, il faut que l'on ait ce qu'on appelle une contrainte hydrique pour que la plante ne soit pas en surplus mais il ne faut pas passer dans la phase de stress."
Lorsque la vigne est en "contrainte hydrique", elle a juste assez d'eau pour produire des raisins concentrés en tanins, anthocyanes et sucres. Si la vigne reçoit trop d'eau, les raisins sont produits en trop grand nombre et sont gorgés d'eau. Si la vigne ne reçoit pas assez d'eau, elle est en stress hydrique et le processus de maturation est très ralenti.
Philippe a choisi les parcelles de Cheval des Andes pour initier ces changements. Irrigation au goutte à goutte, recyclage des eaux usées dans le système d'irrigation après un traitement naturel par phytorémédiation. Association de la culture de la vigne avec des élevages de moutons mérinos, oies, poules, cochons, vaches, lamas et alpagas. Ces derniers, permettant de fertiliser naturellement les sols, sont également proposés à la carte du restaurant. Aménagement de quartiers potagers pour rétablir une faune et flore diversifiées et accompagner les plats concoctés en accord avec le vin Cheval des Andes.
Le résultat ne s'est pas fait attendre. En effet, suite à une vinification centrée sur la recherche de fraîcheur et d'équilibre, Cheval des Andes s'est vu octroyer la note de 100 par le célèbre critique Robert Parker en 2017. Ce vin est un assemblage de cinq cépages : malbec, cabernet sauvignon, cabernet franc, merlot et petit verdot. L'altitude des parcelles de Luján de Cuyo permet de révéler tout le potentiel de ces cépages suivant un style argentin.
Preuves faites à Cheval des Andes, le renouvellement des méthodes culturales commence désormais à s'étendre à l'ensemble des parcelles de Terrazas de los Andes. Ces nouvelles méthodes culturales permettent un meilleur respect de l’environnement et une qualité grandissante en cave.
Son travail ne s'arrête pas au seul département de Mendoza. A l'échelle internationale, il met son expérience argentine au profit des autres wineries du groupe pour les conseiller et les accompagner dans l'élaboration de stratégies durables. Il innove et sensibilise les producteurs et œnologues sur les questions d'économie d'énergie possible dans les caves et les chais : regroupement des systèmes de refroidissement et d'aération, isolation des bâtiments, développement de systèmes par gravité ou encore une production d'énergie renouvelable pour tendre vers l'autosuffisance énergétique.
Nous tenons à remercier chaleureusement Philippe pour l'intérêt qu'il a porté à notre projet, le temps qu'il a pris pour nous faire comprendre sa philosophie et son style dans ses vins. Nos dégustations de vins en cuve, en barrique ou en bouteille nous ont menés à de très belles surprises. Impossible de rester de marbre face à l'élégance du Cheval des Andes 2018... Très belle cuvée à suivre ! Nous retiendrons la simplicité de son accueil, la proximité qu'il instaure avec ses équipes et son esprit d'innovation qu'il met au service de l'atténuation et de l'adaptation au changement climatique.
La phytorémédiation est un processus qui permet d'assainir l'eau en utilisant les propriétés filtrantes des plantes et algues.
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